Catégorie: Actualité
Date de publication: juillet 24, 2024

L'alimentation complémentaire pour les agents de lutte biologique : un guide complet

À notre époque où l'on prône l'agriculture durable, la recherche intensifiée pour trouver des solutions écologiques et de longue durée pour traiter les ravageurs. Dans cette optique, on fait souvent appel aux agents de biocontrôle pour la protection des cultures. Mais comment maintenir ces agents une fois introduits? Dans certains contextes, un moyen efficace de maintenir en bonne santé une population d’auxiliaires de culture est de recourir à l’alimentation complémentaire. Elle consiste à fournir un apport nutritif aux insectes et acariens bénéfiques qui se nourrissent normalement des ravageurs. Cet article examine la notion de l'alimentation complémentaire pour les agents de biocontrôle, les avantages et les inconvénients, ainsi que les types de produits offerts. Il présente également des conseils sur la façon de les introduire avec succès dans la culture.

Comprendre l'alimentation complémentaire pour les agents de lutte biologique : qu'est-ce que c'est ?

L'alimentation complémentaire pour les agents de lutte biologique comprend l'apport des sources de nourriture supplémentaires pour améliorer les résultats de l’emploi des insectes et acariens bénéfiques contre les ravageurs (tels que les tétranyques, les aleurodes et les thrips) et pour faire accroître leurs populations.

Avantages liés à l'emploi d'aliments complémentaires :

  1. Si les besoins environnementaux des agents de biocontrôle sont satisfaits, l'alimentation complémentaire permet d'établir une population plus importante qu'en son absence, améliorant ainsi la protection des cultures. Les besoins environnementaux typiques incluent la présence de poils spécialisés sur les plantes — nécessaires à l'oviposition (la déposition des œufs) — et une humidité relative suffisamment élevée pour que les œufs puissent bien éclore.
  2. L'alimentation complémentaire permet de combler les besoins nutritionnels de nombreux insectes bénéfiques. On peut ainsi augmentent leur fécondité, leur taux de développement et leur survie globale. Une population d'auxiliaires de culture plus importante et plus stable persistera plus longtemps. L'avantage est considérable, à la fois en termes de la prévention de famine en cas de manque de proies et de la diversification des sources de nourriture en périodes d'abondance, et on favorise ainsi une plus grande fécondité.
  3. L'apport de nourriture complémentaire peut limiter les problèmes tels que la famine, le cannibalisme et la prédation intragroupe. On risque d'observer ces répercussions négatives chez les acariens phytoseiids si la nourriture se raréfie.
    • Famine — lorsque les proies sont peu nombreuses dans les cultures, les agents de biocontrôle peuvent mourir de faim avant d'avoir atteint leur durée de vie normale. Une alimentation complémentaire permet d'optimiser leur durée de vie.
    • Cannibalisme — quand la nourriture disponible dans les cultures est insuffisante, de nombreuses espèces de prédateurs généralistes se livrent au cannibalisme, nuisant à la croissance de la population. L'alimentation complémentaire offre une abondance de proies et d'autres sources de nourriture appréciées, réduisant au minimum l'incidence du cannibalisme.
    • Prédation intragroupe — se produit lorsque des agents de biocontrôle d'espèces différentes s'attaquent les uns aux autres. L'apport d'une source de nourriture complémentaire peut réduire la prédation intragroupe.

Éléments à prendre en compte pour l'alimentation complémentaire :

  1. Environnement inapproprié — l'alimentation complémentaire convient mieux aux cultures dont la surface et les conditions ambiantes favorisent la reproduction des organismes bénéfiques. Autrement, l'alimentation complémentaire ne fera que limiter la famine, tout au plus en prolongeant légèrement la durée de vie des prédateurs au prix d'une réduction de leur prédation. On introduit typiquement les insectes bénéfiques une fois par semaine dans les cultures de ce genre, donc l'effet de l'alimentation complémentaire sera minime, voire potentiellement négatif. Par exemple, de nombreuses cultures ornementales et le cannabis n'ont pas des feuilles suffisamment poilues pour que les acariens prédateurs puissent y déposer tous leurs œufs, ce qui rend nulle toute influence positive sur la fécondité.
  2. Coût d'application — bien que le coût de l'alimentation complémentaire ne soit généralement pas prohibitif, les coûts de la main-d'œuvre peuvent l'être, puisqu'il faut réintroduire le produit d'alimentation toutes les semaines ou toutes les deux semaines. On ne peut justifier la main-d'œuvre nécessaire à l'application des produits d'alimentation complémentaire que par un rendement beaucoup plus élevé.
    • Remarque : le problème ne se pose pas lorsque l'on se sert déjà d'appareils Airbug pour les traitements hebdomadaires avec acariens auxiliaires, car on peut aussi introduire la nourriture d'appoint avec ces appareils.
  3. Allergènes — tous les produits d'alimentation complémentaire comportent un certain risque allergénique, surtout dans le cas du pollen, mais aussi dans le cas d'autres produits (p. ex. : les artémias) dans une certaine mesure.
  4. Résidus de pesticides — les produits à base de pollen proviennent généralement de Typha sp (scirpe) et sont récoltés à l'état sauvage. Si le produit ne provient pas d'une source fiable qui teste tous les lots de pollen utilisés, il risque de contaminer les cultures avec des pesticides ou des métaux lourds.

Types de produits d'alimentation complémentaire sur le marché :

Nutemia : Carpoglyphus lactis (acarien nourricier)et Artemia spp (kyste d'artémia)

Cette source d'alimentation complémentaire sert principalement à augmenter les populations d'acariens prédateurs tels que Thripex, Swirski-Mite, Limonica, etc. On peut introduire Nutemia et les acariens prédateurs en même temps avec les souffleurs Airbug. Ainsi, on assure une introduction uniforme et une réduction des coûts de main-d'œuvre. Les appareils Airbug sont à privilégier pour garantir une dispersion régulière de ce produit.

Des essais exhaustifs sur Nutemia ont permis de constater certaines choses en ce qui concerne la lutte contre le thrips des petits fruits :

  1. La présence d'Artemia spp réduit les dommages causés aux feuilles par les thrips et le nombre d'œufs d'acariens prédateurs tués par les thrips.
  2. Les acariens prédateurs solitaires consomment moins de thrips en présence d'artémias. Toutefois, leur population s'accroît plus rapidement aussi, alors plus d'acariens prédateurs seront présents pour se nourrir des thrips.
    1. Bien que l'alimentation complémentaire ait un léger effet négatif sur la prédation des thrips, le contrôle biologique est amélioré avec ce produit. La population d'acariens prédateurs augmente, et plus il y en a dans la culture, plus il y en a qui se nourrissent de thrips.

Nutemia est le produit que nous recommandons avant tout pour l'alimentation complémentaire des acariens prédateurs.

Nutari : Carpoglyphus lactis (acarien nourricier)

Nutari est utilisé exclusivement pour développer les populations d'acariens prédateurs. Avec les souffleurs Airbug, on peut l’introduire en même temps que les acariens prédateurs. En général, les niveaux d'acariens prédateurs dans la culture augmentent plus avec l'utilisation de Nutemia qu'avec Nutari ; les deux produits représentent généralement de meilleurs appoints nutritifs que le pollen ou les artémias ordinaires.

C. lactis est une excellente source d'alimentation complémentaire pour les acariens bénéfiques, car ils peuvent boucler leur cycle biologique en se nourrissant uniquement de cet acarien nourricier. La plupart des systèmes d'élevage de masse d'acariens prédateurs utilisent C. lactis comme source de proies, et la recherche constate qu'en certaines situations C. lactis peut faire croître le nombre d'acariens prédateurs de jusqu'à 300-500 % lorsque les conditions climatiques et foliaires le permettent (chrysanthèmes, roses, concombres, aubergines, poivrons, fraisiers, etc.). Parmi les acariens prédateurs qui s'associent bien avec C. lactis figurent Limonica (Amblydromalus limonicus), Swirski-Mite (Amblyseius swirskii), Spical (Neoseiulus californicus), Anso-Mite (Amblyseius andersoni) et Thripex (Neoseiulus cucumeris).

Remarque : un appareil Airbug ou un système similaire assurera une dispersion régulière de Nutemia et Nutari dans la culture, puisque les acariens nourriciers peuvent provoquer de légers dommages aux feuilles s'ils sont introduits à la main en petits tas. On n'observe pas ce phénomène quand le produit est dispersé à l'aide d'un appareil Mini-Airbug. Les résidus de Nutari sont parfois inacceptables sur certaines cultures (p. ex. : certaines plantes en pot).

Entofood : Ephestia kuehniella (œufs d'éphestia stériles) et Artemia spp. (artémias)

Cette source de nourriture complémentaire favorise le développement des populations d'acariens prédateurs et d'insectes prédateurs. Les acariens prédateurs se nourrissent des artémias. Les insectes prédateurs se nourrissent des œufs d'éphestia stériles ainsi que des artémias.

Artefeed : Artemia spp (artémias)

Cette source de nourriture complémentaire favorise le développement des populations d'acariens prédateurs et d'insectes prédateurs. On s'en sert le plus souvent en association aux acariens nourriciers dans Nutemia.

Mesofeed : Pollen (Typha angustifolia ou la quenouille à feuilles étroites)

Le pollen est utilisé à la fois pour nourrir les acariens prédateurs et les insectes prédateurs, mais il est controversé comme une source de nourriture complémentaire, car il présente plus d'inconvénients que d'avantages. Le principal inconvénient de l'utilisation du pollen comme source de nourriture complémentaire est la possibilité d'une augmentation de la population de thrips, en particulier le thrips de l'oignon ou le thrips des petits fruits.

Remarque : le pollen ne soutient pas les populations du thrips de l'impatiens (Echinothrips americanus).

Voici quelques autres inconvénients :

  1. Le pollen contient des résidus de pesticides s'il n'est pas d'une origine fiable.
  2. La valeur nutritive du pollen se dégrade en 3 à 4 jours, en raison de l'exposition à la lumière du soleil.
  3. Le pollen n'offre pas une nutrition complète aux insectes bénéfiques ; les auxiliaires de culture ont besoin de protéines pour se reproduire et déposer leurs œufs.
  4. Le pollen peut moisir sur les cultures soumises à des conditions de forte humidité.
  5. Le taux de prédation des thrips par A. swirskii peut diminuer de 50 % en présence de pollen.
  6. Le pollen peut entraîner des coûts de main-d'œuvre supplémentaires. Lorsque l'on introduit le pollen dans une culture, on doit se servir d'un souffleur particulier. On ne peut pas l'introduire en même temps que les acariens prédateurs, comme on peut le faire avec Nutari et Nutemia.

La dernière précision importante concernant le pollen est qu'il ne sert à rien d'introduire cette source d'alimentation complémentaire dans des cultures comme les poivrons en pleine floraison. Les fleurs de poivron représentent déjà une source très riche en pollen. Le seul moment où le pollen convient pour la culture des poivrons est tout au début, alors qu'il n'y a pas de fleurs ni de pollen (les 6 premières semaines).

Comment introduire l'alimentation complémentaire?

Consulter les experts : demandez-nous conseil à sales@koppert.ca. Nous pouvons vous fournir des informations précieuses et des recommandations adaptées à votre situation particulière et aux défis posés par vos ravageurs.

Choisir les organismes bénéfiques pour un traitement ciblé : connaître les espèces d'organismes bénéfiques adaptées à la lutte contre les ravageurs particuliers à votre culture. Étudier leurs besoins nutritionnels et leurs préférences afin de déterminer les produits d'alimentation complémentaire les plus appropriés.

Suivre les consignes d'utilisation : les méthodes, le calendrier et la dose d'application appropriés sont essentiels pour maximiser l'efficacité de ces produits et minimiser toute répercussion négative éventuelle.

  • Les doses d'application sont les suivantes :
    1. Nutari : introduire au moins 1 000 acariens par m2, une ou deux fois par semaine.
    2. Nutemia : introduire au moins 1 000 acariens par m2, une ou deux fois par semaine.
    3. Entofood : 60 g par 100 m2, une ou deux fois par semaine.
    4. Artefeed : 50 g par 100/m2, une ou deux fois par semaine.
    5. Mesofeed : 500 g par ha, une ou deux fois par semaine.

Mode d’emploi : il est important que le produit d'alimentation complémentaire tombe sur les feuilles et qu'il se disperse de manière homogène dans la culture. Sauf dans le cas d'Entofood, que l'on peut saupoudrer sur les feuilles, on doit toujours utiliser un Airbug pour répandre le produit d'alimentation complémentaire ou, dans le cas du pollen, un souffleur spécialisé pour le pollen.

Dépistage et évaluation : surveillez régulièrement la dynamique des populations de ravageurs et d'organismes bénéfiques dans votre culture. Évaluez l'efficacité du programme d'alimentation complémentaire et ajustez-le si nécessaire. Soyez patient, car il faut du temps pour que les organismes bénéfiques s'établissent et luttent efficacement contre les ravageurs. On doit introduire les produits fréquemment (toutes les semaines ou toutes les deux semaines) jusqu'à ce que la population de prédateurs s'accroît et s'établit ; la fréquence peut être réduite ensuite.

Conclusion

En fournissant une alimentation complémentaire aux organismes bénéfiques, les producteurs peuvent augmenter leurs populations, améliorer leur efficacité de biocontrôle et promouvoir un écosystème plus sain. Bien que l'alimentation complémentaire s'accompagne de certaines considérations, ses avantages à long terme peuvent en faire un outil précieux pour la lutte durable contre les ravageurs. En connaissant les produits disponibles, en pesant le pour et le contre et en les appliquant efficacement, les producteurs peuvent adopter cette approche pour assurer la productivité de leurs cultures tout en minimisant l'impact sur l'environnement.